Compton, d’hier à aujourd’hui
Un village dynamique
C’est en 1796 que les premiers défricheurs, britanniques et américains, choisissent de s’installer dans ce paysage vallonneux et fertile où plusieurs cours d’eau s’écoulent au hasard des plis appalachiens. Une agglomération qui deviendra le village de Compton commence à s’établir sur le flanc ouest d’un vallon de la rivière Coaticook à mi-chemin entre Sherbrooke et la frontière américaine. Entre 1815 et 1830, la population du canton de Compton passe de 700 à plus de 1400 habitants, donnant vitalité au hameau de Moe’s River qui connaît alors un essor industriel remarquable et au village de Compton où on retrouve une église anglicane (1826), une école et deux hôtels. Après 1850, au moment où l’immigration britannique et américaine devient rare dans les Cantons-de-l’Est, les Canadiens français commencent à envahir le territoire. Contrairement aux défricheurs, les nouveaux venus en pays comptonois arrivaient souvent de la Beauce avec des goussets bien fournis. Une bonne terre se vendait alors en moyenne 5 000 $ et certains vont jusqu’à payer 12 000 $ pour une ferme bien équipée. Parmi eux, des individus comme Dominique Bolduc, Joseph Bureau et Léger Loubier dont les descendants occupent toujours le territoire agricole.
En 1860, la population du canton a encore doublé pour atteindre les 3 000 habitants. Cette rapide croissance démographique et la nouvelle ligne de chemin de fer Montréal-Portand qui passe depuis 1853 sur les terres comptonoises du versant sud de la rivière Coaticook, amènent une expansion rapide des commerces et des services. Ainsi en 1863, le secteur du village de Compton compte trois églises et deux écoles, témoin de la diversité religieuse de ses habitants : anglicans, méthodistes et catholiques. Deux hôtels accueillent les nombreux voyageurs qui transitent par Compton en train ou en diligence. Un bureau de poste, deux médecins, un chef de gare, divers artisans et huit magasins généraux animent la vie sociale et économique du village. Plusieurs résidences et bâtiments présentent une architecture imposante. En direction du chemin Cochrane, au sud, le Ladies College, nommé plus tard le King’s Hall, dispense son enseignement aux jeunes filles de bonne famille anglaise et anglicane recrutées un peu partout au Canada et même en Angleterre. En 1876, le territoire est morcelé une première fois quand Waterville est déclarée municipalité séparée du canton de Compton. Puis en 1893, Waterville, le canton et le village de Compton deviennent trois administrations distinctes, ce dernier se constituant en municipalité.
Jusqu’en 1900, on parlait surtout anglais sur tout le territoire, mais en moins de dix ans, la majorité des hommes et des femmes qui avaient édifié ce village l’avaient quitté, succombant simultanément à la pression des nouveaux venus et à l’attrait de l’Ouest canadien et des États-Unis. C’est en 1917, avec la rédaction des procès-verbaux municipaux en français que le pouvoir passe définitivement aux francophones qui représentent alors plus de 70 % de la population.
Une agriculture prospère
Au tournant du 20e siècle, la vie économique du village de Compton continue d’être liée à celle de la campagne. Le développement de l’élevage sélectif et de l’industrie laitière atteint un point fort vers la fin du 19e. Grâce à la qualité et au volume de ses troupeaux, Compton acquiert alors une solide réputation d’élevage bovin qui s’étend jusqu’en Angleterre et aux États-Unis. Cette situation favorise l’établissement d’une ferme modèle (1894 à 1910) qui comprend une beurrerie-école. C’est l’époque des grandes fermes et de leurs résidences cossues comme celles des Pomeroy, Cochrane et de l’éleveur H.D. Smith avec Ingleside, que les habitants appelaient le château. En 1906, on trouve deux beurriers et quatre bouchers au village. Certains bovins de race se négocient à des sommes faramineuses tandis que le beurre comptonois est exporté jusqu’en Australie. Compton joue le rôle de capitale économique et de lieu de transit. Trois hôtels imposants, de nombreux commerces et artisans; du forgeron au salon de thé en passant par le loueur de chevaux composent une remarquable organisation sociale.
C’est ce Compton des années fastes qu’a connu Louis-S. St-Laurent dans son enfance. Mais entre le moment de sa naissance en 1882 et son mandat de premier ministre du Canada de 1948 à 1957, le village se métamorphose. L’activité fébrile qui y régnait ne tarde pas à s’amenuiser avec l’émergence de la société urbaine. Petit à petit, la proximité des villes de Coaticook et de Sherbrooke et la rapidité accrue des moyens de transport privent Compton de ses fonctions artisanales et commerciales. Quelques soubresauts politiques bouleverseront encore le terroir au cours du 20e siècle. En 1950, le secteur sud de Compton se sépare du Village pour former une municipalité rurale appelée Compton-Station, en l’honneur de sa gare (malheureusement, ce bâtiment patrimonial sera déménagé à Stanstead-Est en 1970). Le territoire demeurera ainsi morcelé en trois entités jusqu’à ce que le Village et le Canton fusionnent en juin 1994 et que Compton-Station se rallie en décembre 1999. Selon les ententes de cette dernière fusion, une partie du territoire, « l’enclave » de Compton-Station, sera cédée à la ville de Waterville en 2004. La nouvelle municipalité ainsi créée compte 3 043 personnes et occupe le deuxième rang au sein des municipalités formant la MRC de Coaticook. Malgré ces changements administratifs, l’agriculture et surtout la production laitière resteront au cœur de l’activité économique comptonoise, faisant de notre région le plus fort bassin producteur laitier au Canada.
Mais avec les années qui passent et de nouveaux arrivants qui débarquent sur nos vallons, l’agriculture se modernise et se diversifie. Apparaissent des vergers, des jardins maraîchers, des productions fruitières et des cultures biologiques qui dessinent un nouveau portrait de la vie rurale comptonoise. Ne se contentant plus de cultiver et de vendre leurs produits bruts, plusieurs agriculteurs retournent aux sources artisanales. Ici s’érige une fromagerie, là, une beurrerie; un éleveur de bœuf biologique ouvre un comptoir tandis que des pomiculteurs-transformateurs attirent des milliers d’excursionnistes dans son verger. Envoûtés par les flaveurs d’ici, des chefs de tables champêtres, des cuisiniers, des transformateurs et des aubergistes se joignent de plus à cet élan des producteurs, faisant ainsi renaître les vocations artisanales et commerciales au village. Usant de créativité et d’enthousiasme, tous unissent leurs efforts dans l’élaboration d’une gamme extraordinaire de produits et de services agroalimentaires de haute qualité qui sont en train de faire de Compton une fascinante destination agrotouristique où il fait si bon vivre : de la terre... à la table!
|